Ou bien... ou bien

de Sören Kierkegaard
(Enten-eller 1843)
Traduction de F. et O. Prior et M. H. Guignot
Gallimard, 1943
Collection TEL

Impression d'ensemble

Un peu déçu... Je reconnais bien des éléments repris plus tard par Heidegger et Sartre, mais appauvris sans leurs développements ultérieurs.

Beaucoup d'idées ont vieilli au point d'être obsolètes. La traduction n'est pas non plus irréprochable, et n'aide peut-être pas à la meilleure présentation des idées.

Je m'attendais à ce que la sphère religieuse se distingue de l'éthique. Ce n'est pas le cas ici: le sujet est seulement l'opposition éthique / esthétique.


Extraits et notes

Première partie, contenant les papiers de A

Les étapes érotiques spontanées ou l'érotisme musical

Avant-propos futile
p 55-56:
Le pays connu, à l'ultime frontière duquel j'irai pour découvrir la musique, c'est le langage. Pour ranger les différents médiums dans une hiérarchie, on devrait placer le langage et la musique aussi près que possible l'un de l'autre, -- c'est même la raison pour laquelle on dit que la musique est un langage. C'est là plus qu'une remarque spirituelle, car, si on trouvait plaisir à faire de l'esprit, on pourrait dire encore que la sculpture et la peinture sont aussi des espèces de langages, en ce sens que toute expression et toute expression d'une idée est toujours un langage, puisque l'essence de l'idée est le langage. [...] Mais il n'en est pas ainsi. C'est seulement lorsque l'esprit est posé comme principe que le langage se trouve investi de ses pleins droits, mais une fois posé, tout ce qui n'est pas esprit est exclus, et cette exclusion est ce qui le détermine. Si donc ce qui est exclu doit être exprimé, il sera nécessaire d'employer un médium que l'esprit détermine, -- c'est le cas de la musique. Mais un tel médium est essentiellement langage, donc la musique est à juste titre nommée un langage.

[...]

C'est justement lorsque tout ce qui est matière sensible est nié dans le langage que celui-ci est le médium parfait. C'est aussi le cas de la musique. Ce qui, à proprement parler, doit être entendu, s'affranchit toujours de la matière sensible.

Troisième étape
3. La contexture musicale de l'opéra
p 100
Je n'aime pas les images; la littérature moderne m'en a donné un grand dégoût, presque au point que, chaque fois que je rencontre une image, je suis saisi de la crainte involontaire que le vrai but de l'image soit de cacher une obscurité se la pensée.

Le reflet du tragique ancien sur le tragique moderne.
Un essai d'efforts fragmentaires

p 110
Le nombre en soi est toujours indifférent. [...]

Lorsque David voulait sentir toute sa puissance et toute sa magnificence, il faisait dénombrer son peuple; de nos jours on peut dire que les peuples se dénombrent d'eux-mêmes afin de se rendre compte de leur importance en face d'une puissance supérieure.

Les premières amours

p 185
L'occasion est ainsi de la plus grande importance pour toute création, oui, c'est elle qui au fond en détermine la vraie valeur esthétique. Il manque toujours quelque chose aux oeuvres créées sans occasion, quelque chose qui ne leur est pas extérieur (bien que l'occasion doive faire partie de l'oeuvre, en un autre sens, cependant, elle n'a pas à en faire partie), mais quelque chose qui leur manque en elles-mêmes. Une oeuvre pour laquelle l'occasion est tout manque également de quelque chose. Car l'occasion n'est pas génératrice positivement, mais négativement. Une création est une production de rien; l'occasion est ce rien qui fait tout surgir.
p 188
Toutefois, c'était à l'occasion de l'occasion de cette petite critique que, d'une manière générale, j'ai voulu dire quelque chose au sujet de l'occasion ou de l'occasion en général. Quel heureux hasard, d'ailleurs, que j'aie déjà dit ce que je voulais dire! Plus j'y réfléchis, plus je me rends compte que d'une manière générale rien ne se laisse dire à cet égard parce que d'une manière générale, il n'y a aucune occasion. À ce titre je suis donc arrivé à peut près au point où je me trouvais en commençant. Le lecteur ne doit pas m'en vouloir, car ce n'est pas ma faute, c'est celle de l'occasion. Il peut même penser que j'aurais dû creuser toute la question avant de commencer à écrire et alors ne pas commencer avec une chose qui, après révèle qúelle n'est rien du tout.

Le journal du séducteur

p 302

Dans une nuit sombre rien n'est plus dangereux pour les autres bateaux que de mettre des feux qui trompent plus que l'obscurité.

L'équilibre entre l'esthétique et l'éthique dans l'élaboration de la personnalité

p 549-550
Lorsque tu définis ce qui est beau par ce qui a sa téléologie en soi-même et que tu donnes comme exemple une jeune fille, ou la nature, ou une oeuvre d'art, alors il me semble que c'est une illusion de prétendre que tout cela a sa téléologie en soi-même. Pour qu'il soit question de téléologie, un mouvement serait nécessaire [...] Le mouvement manque évidemment à ce que tu appelles beau; [...] lorsque je regarde une oeuvre d'art et que je pénètre son idée avec mon idée, c'est au fond en moi que le mouvement a lieu, et non pas dans l'oeuvre d'art. [... Tu veux] dire que le beau n'a pas sa téléologie dans quelque chose d'autre.

Philo ToC
Marc Girod
Last modified: Tue Jul 4 13:53:13 EETDST 2000