Le vent Paraclet

Michel Tournier
Folio, Gallimard, 1977

I. L'enfant coiffé

p. 18
Il m'est doux d'imaginer qu'il [le chirugien qui lui arracha les amygdales] eut une agonie atroce et interminable.

p. 20

[la circoncision] Elle se ramène en fait à une mutilation anti-érotique — une castration symbolique — entraînant une diminution grave et irrémédiable de la sensibilité génésique par suite de la kératinisation de l'épiderme du gland. La fellation devient impossible, ou du moins si laborieuse qu'elle perd tout son charme. Le prépuce est une paupière.

p. 41

René Letréguilly, petit home doux et timide, savait établir avec ses élèves un climat de complicité merveilleuse dont profitait au premier chef la grammaire latine. Je n'ai jamais connu de maître moins autoritaire et mieux obéi.

III. La dimension mythologique

p. 184
Cette volonté impérieuse de l'œuvre proliférante s'aggrave d'un phénomène commun aux accumulations et aux diminutions de tout ordre et qui est le passage à la qualité. Si la température de l'eau s'abaisse régulièrement, le zéro Celsius dépassé, le liquide se solidifie [...]
Aux changements parfaitement continus de la quantité, la qualité superpose des périodes d'immuabilité, interrompues par des mutations brutales et tout à fait discontinues [...]

p. 189

André Gide a dit qu'il n'écrivait pas pour être lu mais pour être relu. Il voulait dire par là qu'il entendait être lu au moins deux fois. J'écris moi aussi pour être relu, mais, moins exigeant que Gide, je ne demande qu'une seule lecture. Mes livres doivent être reconnus — relus — dès la première lecture.

p. 200

« Il faut avoir un chaos en soi-même pour accoucher d'une étoile qui danse. » [Nietzsche] Voilà une phrase d'un retentissement profond et dont les mots s'entrechoquent en un cliquetis hautement réjouissant. Paul Valéry — si proche de Nietzsche — a multiplié les traits d'une sorte de métaphysique de l'ironie qui n'appartient qu'à lui. « Dieu a tout fait de rien, mais le rien perce. » « Un ange est un démon à l'esprit duquel une certaine réflexion ne s'est pas encore présentée. » « Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie. »

Robinson et le tarot,
Mémoires
Marc Girod