Le Dit de Tianyi

François Cheng, 1998
Albin Michel, Le Livre de Poche

Personnages :

Première partie : épopée du départ

Chapitre 2, p 18

Assez doué pour l'art du trait, je me mis à étudier sérieusement la calligraphie. À la suite de mon père, j'avais certes appris à copier les modèles de différents styles laissés par les maîtres anciens mais aussi à observer les modèles vivants qu'offrait la nature omniprésente : les herbes, les arbres, et bientôt les champs de thé en terrasses. [...] Je constatais à quel point ces alignements réguliers et rythmés, apparemment imposés par les hommes, épousaient intimement la forme sans cesse différenciée du terrain, révélant ainsi les « veines du Dragon » qui les structuraient en profondeur.

Chapitre 13, p 96

[L]à où l'extrême Orient, par réductions successives, cherche à atteindre l'essence insipide où l'intime de soi rejoint l'intime de l'univers, l'extrême Occident, par surabondance physique, exalte la matière, glorifie le visible et, ce faisant, glorifie son propre rêve le plus secret et le plus fou.

Chapitre 30, p 205

La Chine est un continent qui jouit d'une unité en soi. Avec ses hautes montagnes à l'ouest et ses vastes mers à l'est, sa terre est penchée en sorte que tous ses fleuves, notamment les deux principaux, le fleuve Jaune et le Yangzi, coulent invariablement d'ouest en est. Ces deux fleuves, l'un fruste et viril, berceau du confucianisme, l'autre luxuriant et féminin, berceau du taoïsme, ayant la même source et coulant dans le même sens donnent l'impression aux Chinois que l'ordre temporel procède d'une origine et vise une destination.

Comment concevoir que l'irréversibilité de cet ordre impérieux qu'est le temps puisse être rompue ? C'est ici qu'interviennent les Vides médians inhérents à la Voie. [...] Pour le fleuve, les Vides médians se présentent sous forme de nuages. [...]

Le temps procéderait donc par cercles concentriques, ou par cercles tournant en spirale [...] Mais attention, ce cercle n'est pas la roue qui tourne sur elle-même, sur les choses du même ordre selon la pensée indienne, ni ce qu'on appelle l'éternel retour. [...] l'idée de la mutation et de la transformation est essentielle dans la pensée chinoise.

Deuxième partie : récit d'un détour

Chapitre 4, p 232

À partir de la naissance, chaque visage est façonné par toute une vie de désirs refoulés, de tourments cachés, de mensonges entretenus, de cris contenus. de sanglots ravalés, de chagrins niés, d'orgueil blessé, de serments reniés, de vengeances caressées, de colères rentrées, de hontes bues, de fous rires réprimés, de monologues interrompus, de confidences trahies, de plaisirs trop vite survenus, d'extases trop tôt évanouies.

Le Dialogue,
Novels ToC
Marc Girod
Last modified: Wed Apr 7 11:51:03 EEST 2004