Les racines du ciel

Romain Gary, 1956

p. 36

Les chiens ont beaucoup d'amour propre, remarqua-t-elle. Elle l'avait souvent constaté. À Berlin, elle avait pour voisin un vieil homme qui allait en plein jour fouiller dans les boîtes à ordures, accompagné de son chien. « Eh bien, il fallait voir la tête que le chien faisait. Je vous jure qu'il regardait de côté, comme s'il voulait ignorer que son maître fouillait dans les ordures, et je suis sûre qu'il avait honte pour lui. [...] »

p. 95

Comprenez-moi bien. Je ne suis pas complément idiot, mais j'ai été mal élevé : on ne m'a jamais appris la règle du jeu. Naturellement, nous avions bien fini par nous apercevoir de certaines choses. Il y a eu des Anglais pris dans des camps de concentration japonais. Il y a eu les bombardements de Londres, et puis cette affreuse histoire des chambres à gaz, sur le continent. Ce n'était évidemment pas très “cricket”. Mais nous ne voyons là que des énormités, d'atroces accidents de l'histoire, des exceptions. Nous croyions toujours que ce n'était pas la règle du jeu, que c'étaient des coups au-dessous de la ceinture. L'idée ne nous était pas venue qu'il pût s'agir là au contraire de la règle du jeu véritable et authentique, qui nous était ainsi révélee. Nous avons vécu longtemps dans le coton moral, mais les nazis, Staline, ont fini tout de même par nous donner l'idée que la vérité de l'homme était peut-être chez eux.

p. 100

Elle m'écoutait avec volubilité.

p. 101

Je dois dire dire je fais toujours de grands efforts pour être particulièrement gentil avec lui, parce que j'estime qu'il faut être tolérant, et que ce n'est pas la faute du putois s'il sent mauvais.

p. 191

En envoyant à la table un coup de poing qui eut certainement fait davantage pour la religion s'il avait été assené sur la tête de quelque infidèle.

Romans
Marc Girod
Tue Dec 17 08:59:25 2019