Autonomie et connaissance

Essai sur le vivant
Francisco Varela
Principles of Biological Autonomy, 1980-1982
Traduit de l'américain par Paul Bourgine et Paul Dumouchel, 1989
Éditions du Seuil - La couleur des idées

Préface à l'édition française

L'autonomie (et la commande), pp. 7-9

Autonomie signifie loi propre. Afin de bien comprendre ce concept, il est préférable de le comparer à l'allonomie ou loi externe [...] C'est là bien sûr ce que nous appelons la commande.
[...] Le modèle qu'on donne couramment est le suivant : quelque chose entre dans un processus, quelque chose en ressort [...] Le paradigme fondamental de nos interactions avec ce genre de systèmes est l'instruction, et les résultats insatisfaisants de nos interactions avec ces systèmes sont des erreurs.
[...] La théorie de la commande est intimement liée à une conception de l'information comme instruction et représentation.

p. 10

Pour le paradigme de l'ordinateur, l'information est ce qui est représenté, et la représentation est une correspondance entre les éléments symboliques d'une structure et les éléments symboliques d'une autre structure.
Du point de vue de l'étude des systèmes naturels (y compris des systèmes sociaux), il semble que le bien fondé de la « gestalt de l'ordinateur », à tout le moins pose un problème.

pp. 11-12

L'information doit être réinterprétée comme étant codépendante et construite plutôt que comme étant représentationnelle et instructive. Cela implique un déplacement des questions que nous nous posons, de l'étude des correspondances sémantiques vers celle des modèles structurels.
[...] Les événements informationnels n'ont pas de qualité substantive, ce ne sont pas des phénomènes qui existent en dehors de nous, ils sont littéralement in-formatti, c'est-à-dire formés à l'intérieur.
[...] Cette idée n'est pas vraiment nouvelle, et elle est fréquente dans plusieurs traditions ou courants philosophiques.

Chapitre I - L'histoire naturelle de la circularité

2. La perspective formelle, p. 25

Dans une unité munie d'une cloture opérationnelle [...] la cohérence est, non pas localisée, mais distribuée [...]

Chapitre II - L'autopoièse et l'organisation du vivant

2. L'organisation des systèmes vivants : l'autopoièse
2.1. Organisation et structure : une dualité, p. 41

L'ensemble des relations qui définissent une machine comme une unité constitue son organisation. L'ensemble des relations effectives entre les composants présents sur une machine concrète dans un espace donné constitue sa structure.

2.2. Les machines autopoiétiques, p. 45

Un système autopoiétique est organisé comme un réseau de processus de production de composants qui (a) régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits, et qui (b) constituent le système en tant qu'unité concrète dans l'espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau.

2.3. Les systèmes vivants, p. 48

La notion d'autopoièse est nécessaire et suffisante pour définir l'organisation des êtres vivants.

3. La modélisation de l'autopoièse : un automate cellulaire
3.1 Le modèle, p. 49
(von Neumann, 1966) Burks, 1970

p. 51

On obtient ainsi un réseau d'interactions qui constitue une unité autopoiétique [vivante] au sein de ce domaine.

3.2. L'interprétation, p. 52

...fondamentalement différent du célèbre « jeu de la vie » de Conway (Gardner 1977)

Chapitre IV -La clôture opérationnelle

3. Définition de la clôture opérationnelle, p. 87

4. En un sens, l'idée de clôture opérationnelle généralise la notion classique de stabilité d'un système, proposée par Androsov et Pontriagyn en 1930, et que la cybernétique a héritée de la mécanique classique.

Chapitre V - L'organe de la forme

2. L'anatomie au couteau, p. 96

La frontière cellulaire révèle, par opposition, l'existence d'un espace extracellulaire. [...] Ce composant non-cellulaire a la particularité remarquable d'être un continuum.

Chapitre VI - L'organe cognitif au niveau moléculaire : le réseau immunitaire

1. Clôture opérationnelle et transformation structurelle, p. 114

C'est Niels Jerne (1974, 1975) qui formula, pour la première fois, ce que nous allons maintenant développer.

2. Le soi et le non-soi, p. 116

Les jumeaux hétérozygotes des bovidés, qui partagent une circulation placentaire commune, sont de véritables « chimères » immunologiques : leur sang recèle, en effet, une double population, normalement incompatible, de cellules en provenance de l'un et l'autre organisme.

p. 122

C'est parce que le système immunitaire répond constamment à des stimuli en provenance de lui-même qu'il peut reconnaître le soi du non-soi. [...] La distinction fondamentale qu'opère le système lymphoplasmocytaire n'est pas entre le soi et le non-soi ; elle se situe plutôt entre ce qui peut et ce qui ne peut pas interagir avec la structure immunitaire : c'est la distinction entre l'identité et le non-sens provenant du « bruit » immunologique.

5. La régulation du réseau immunitaire, p. 130

On a très souvent remarqué que les systèmes nerveux et immunitaire ont plusieurs caractéristiques en commun. Ces deux systèmes semblent s'être développés afin de doter l'organisme d'une capacité de reconnaissance, et ils lui permettent de répondre à des stimuli extrêmement variés. Tous deux traduisent leurs interactions en une dynamique interne de signaux.

p. 134

Par rapport à ce problème central, l'immunologie en est aujourd'hui là où en était la neurophysiologie il y a trente ans.

6. Le domaine cognitif du système immunitaire, p. 135

L'organisme répond à une « image interne » de la molécule étrangère ; il répond à sa signification traduite dans le langage utilisé par le réseau.

Chapitre VII - La clôture opérationnelle du système nerveux

2. Changements et couplage structurel, p. 154

[L'apprentissage] est le résultat du couplage structurel continu de la phénoménologie du système nerveux et de la phénoménologie de l'environnement. L'idée que nous emmagasinons des représentations de l'environnement ou que nous emmagasinons des informations au sujet de l'environnement ne correspond en rien au fonctionnement du système nerveux. On doit en dire autant de notions comme celles de mémoire ou de souvenir. [...] Elles ne sont [...] valables que comme explications symboliques.

3. Perceptions et invariances, p. 154

La perception sensorielle ne peut pas être comprise comme un processus n'ayant que des entrées. [...] Par la clôture du système nerveux, le bruit en provenance de l'environnement devient objet.

4. La constance de taille, p. 158 (et suivantes)
[Illusion de Ponzo, cubes de Necker (voir Dennett, p. 288), théorie de Gregory, loi d'Emmert, thèse de Kaufman]

Il est possible d'analyser la constance de taille comme un processus neurologique invariant qui a lieu indépendamment de toutes les caractéristiques de l'environnement.

7. La coopérativité dans les réseaux neuronaux, p. 170

Il vaudrait mieux parler de présentation et de système de présentation, plutôt que de représentation et de système de représentation.

La mémoire ne nécessite ni enregistrement, ni emmagasinage, parce qu'elle est l'histoire même du couplage structurel.

Chapitre VIII - Décrire la logique du vivant

1. La complémentarité descriptive, p. 173

L'information et la finalité peuvent être utilisées à des fins pédagogiques, elles ne font pas partie de l'explication opérationnelle d'un système vivant, que l'autopoièse suffit à fournir.

2. Les modes d'explication, p. 174

La préférence accordée à la causalité dans la science contemporaine provient de son orientation technologique, dominante au cours des cent cinquante dernières années.

Référence à von Wright pour la finalité (« pourquoi »).

Chapitre IX -- L'auto-organisation : de l'apparence au mécanisme

5. L'apprentissage et l'évolution, p. 202
Couplage par input (paradigme adaptationniste) vs couplage par clôture.

p. 203

L'unité ne fonctionne pas comme un ensemble de caractéristiques mais comme un tout cohérent.

Chapitre X -- La marche pour chemin : nouvelles directions pour les sciences cognitives

1. Les questions fondamentales, p. 209

Mars 1946 ; c'est la date de la première rencontre de ce qui est désormais connu sous le nom des Conférences Macy sur la Cybernétique.

p. 211

Pour von Neumann, la cognition est fondamentalement orientée vers la résolution de problèmes ; et ce point de vue est, à la fois, un guide pour la construction de machines artificielles et pour l'étude des systèmes vivants. Pour Wiener, la cognition est une activité autonome, autocréatrice, et cet aspect du vivant est essentiel pour la compréhension des processus cognitifs.

2. Qu'est-ce que la vision ? p. 213

Au total, moins de 20 % de ce qui arrive au CGL [corps genouillé latéral] provient de la rétine.

p. 215

Notre attention doit se centrer non sur un flux d'information, mais sur ce qui permet l'émergence des cohérences internes dans un réseau de spécifications mutuelles.

3. La clôture opérationnelle, p. 216

Les résultats des opérations du système sont les opérations du système, dans une situation complètement autoréférentielle.

La clôture n'est pas une fermeture !

5. Hétéronomie et autonomie, p. 222


Essais, Biologie
Marc Girod
Last modified: Thu Mar 3 09:41:35 EET 2005