Entre le cristal et la fumée

Essai sur l'organisation du vivant
Henri Atlan
Éditions du Seuil, Points Sciences, 1979

Première partie : Désordres et organisation, complexité par le bruit

2. Ordre et significations

p. 32
Et pourtant, l'entropie, grandeur physique, n'est elle-même définie que par rapport aux possibilités d'observation et de mesure ainsi que le montre l'exemple de l'entropie de mélange de deux gaz différents. La formation spontanée d'un mélange homogène de deux gaz s'accompagne évidemment d'une augmentation d'entropie qu'on peut éventuellement mesurer. Or ce phénomène se conçoit différemment suivant qu'on l'envisage avant ou après la découverte de la radioactivité.

3. Bruit organisationnel et signification de l'information

3.1. Complexité, complication et autres notions associées

3.1.3. Complexité et désordre
p. 78
[U]n système physique évolue vers le plus grand désordre, c'est-à-dire vers la plus grande homogénéité [...]
Autrement dit, il évolue vers un état où nous en recevons la plus grande absence d'information.

Deuxième partie : L'âme, le temps, le monde

6. Sur le temps et l'irréversibilité

Le hasard et la logique de l'auto-organisation

pp. 166-167
Toutefois, deux possibilités existent quant à la nature logique de ce qu'un système peut recevoir de l'extérieur. La première [...] : le système reçoit une série d'impulsions organisées, l'organisation future du système se trouve déjà dans la série des effets organisés agissant sur lui et il n'y a aucune raison de parler d'auto-organisation.

L'autre possibilité est celle où la série des événements agissant sur le système n'est pas organisée ; il s'agit de perturbations aléatoires sans aucune relation causale avec le type d'organisation qui apparaîtra dans le système. Si, sous l'effet de ces perturbations aléatoires, le système, au lieu d'être détruit ou désorganisé, réagit par un accroissement de complexité et continue de fonctionner, nous disons alors que le système est auto-organisateur.

Deux sortes d'inversion du temps

p. 172
[L]a matière peut être le lieu de phénomènes d'auto-organisation : en raison de divers types d'interaction entre l'ordre et le hasard, des échantillons de matière peuvent évoluer de telle sorte qu'aux yeux de l'observateur extérieur, ils apparaîtront déterminés par leur futur, alors qu'en fait il n'en est rien.

Il reste que dans ces situations — et bien que nous ne soyons pas obligés de supposer l'existence d'une volonté consciente — nous avons affaire à une inversion locale du temps dans la mesure où se produit une diminution locale d'entropie.

Troisième partie : Proches et prochains

Quatrième partie : Des fois, des lois, des arbitraires, des appartenances

9. La théorie des catastrophes

pp. 228-229
Les marchands de quincaillerie électronique voudraient nous faire croire qu'avec la diffusion des ordinateurs, une ère nouvelle va s'ouvrir pour la pensée scientifique et l'humanité. Ils pourront tout au plus nous faire apercevoir où est le problème essentiel ; il est dans la construction des modèles [...] (p. 322-326). [René Thom]
[cf Demain, une époque formidable in Le Monde du 1er février 2016]

13. La vie et la mort : biologie et éthique

p. 274
[...] jusqu'à Newton, pour fixer les idées, la loi morale était confondue avec la loi naturelle, ou plus exactement les deux lois avaient une origine commune, à savoir Dieu créateur qui était la garantie de leur unité. Cette unité n'était jamais directement perçue comme une donnée d'expérience ; elle ne l'est d'ailleurs toujours pas, ou rarement. Bien au contraire, l'expérience souvent faisait — fait toujours — douter que les lois de la nature fonctionnent en harmonie avec les lois morales. Mais comme les lois de la nature étaient perçues comme l'expression de la volonté de Dieu, tout comme les lois morales elles-mêmes, cette origine divine servait de garantie à l'unité de ces lois, au moins dans le principe, même si l'expérience contredisait parfois cette unité ; cette contradiction par l'expérience pouvait alors être mise au compte, comme on dit, de l'ignorance des desseins impénétrables de Dieu en qui, par définition, la contradiction devait disparaître.

Essais
Marc Girod