La Métaphysique est la Colonie de la pensée grecque. Au début, elle paraît du reste tout à fait étrange, et l'on ne sait où la ranger selon le mode de rangement propre à la Mère-Patrie : Éthique, Logique et Physique. La Métaphysique est cet essaimage de la pensée qu'on intitule précisément l'Outre-physique, comme on dit l'« Outre-mer ».
III, p 36
« Le désert croît... », disait Nietzsche il y a près de soixante-dix ans ; et il ajoute : « Malheur à celui qui protège le désert ! »
V, p 51
Billet de Nietzsche à Georg Brandès (4.1.1889) :
« Après que tu m'as eu découvert, ce n'était pas un exploit de me trouver : la difficulté est maintenant celle de me perdre... »
LE CRUCIFIÉ.
VI, p 53
Nietzsche, dans l'horizon de sa pensée, nomme l'homme traditionnel « le dernier homme ».
De la première heure à la seconde, p 90
Ce n'est qu'autant que l'homme parle qu'il pense, et non l'inverse, comme la Métaphysique le croit encore. [...] Toute œuvre de la main repose dans la pensée. C'est pourquoi la pensée elle-même est pour l'homme le plus simple, et partant le plus difficile travail de la main, lorsque vient l'heure où il doit être expressément accompli.
p 91
Ce qui donne le plus à penser [...] c'est ce que nous ne pensons pas encore.
Lorsque nous sommes rattachés à ce qui se retire, alors nous sommes en mouvement vers ce qui se retire, vers les approches pleines d'énigmes, et donc changeantes, de son appel. Quand un homme est expressément dans ce mouvement, alors il pense [...] Socrate, sa vie durant, et jusque dans sa mort, n'a rien fait d'autre que de se tenir et de se maintenir dans le vent de ce mouvement. C'est pourquoi il est le plus grand penseur de l'Occident, c'est pourquoi aussi il n'a rien écrit.
De la troisième à la quatrième heure, p 100
Ce n'est qu'au niveau de la croyance bornée et uniforme que s'introduit la pensée à voie unique. Par là tout est réduit à une unicité de signification dans les concepts et les désignations, dont la précision non seulement répond à celle de la méthode technique, mais partage la même origine essentielle.
De la quatrième à la cinquième heure, p 102
L'espoir d'une possibilité s'ouvre, à savoir que l'être traditionnel de la pensée soit formé à l'image de la représentation, et comme une forme de représentation.
De la sixième à la septième heure, p 107
L'homme actuel est-il préparé, dans son essence métaphysique, à prendre en charge la domination sur la totalité de la terre ?
De la huitième à la neuvième heure, p 122
Nous posons la question : « qu'appelle-t-on penser ? », mais nous parlons de Nietzsche. [...] Ce dont on parle et ce qui est dit ne sont donc pas identiques.
I, p 127-128
[O]n peut faire apparaître quatre modes selon lesquels poser la question.[...] Que signifie le mot « penser » ?
[...] Comment ce qui est ici désigné --la pensée-- est-il conçu et défini dans la doctrine traditionnelle de la pensée ? [...] Pourquoi la doctrine traditionnelle de la pensée se range-t-elle sous l'étiquette étrange de « Logique » ?
[...] Quelles conditions doivent être réunies pour que nous soyons capables de penser de façon adéquate ?
[...] Qu'est-ce qui nous appelle à la pensée ?
[...] Les quatre modes énumérés ne sont pas juxtaposés l'un à l'autre extérieurement. Ensemble, ils s'entre-appartiennent. C'est pourquoi ce qu'il y a d'inquiétant dans la question « Qu'appelle-t-on penser ? » est moins dans la multiplicité que dans l'unité de sens qu'indiquent ces quatre modes.
p 133
[C]e n'est pas nous qui jouons avec les mots, mais l'être de la langue qui joue avec nous [...]
II, p 143
Toutes les sciences ont leur fondement dans la philosophie, mais non pas inversement.
La philosophie est une connaissance supra-historique qui, depuis Descartes, réclame pour ses propositions une certitude absolue.
XI p 210
« Que signifie ce mot : « penser » ? ». Nous avons appris qu'il signifie Mémoire, Reconnaissance, Pensée fidèle.
De la quatrième à la cinquième heure, p 242
Si nous demandons : « Qu'appelle-t-on faire de la bicyclette ? », ce que nous demandons est connu de tout le monde. Qui ne sait pas encore ce que cela veut dire, nous pouvons le lui apprendre puisque c'est chose connue.
p 243
La pensée, plus exactement la tentative et la tâche de penser, vont entrer dans une époque où les grandes exigences que la pensée traditionnelle croyait satisfaire, et qu'elle prétendait devoir satisfaire, deviendront caduques.
[Cette caducité] se laisse caractériser en quatre phrases :
1° La pensée ne conduit pas à un savoir tel que les sciences ;
2° La pensée n'apporte pas une sagesse utile à la conduite de la vie ;
3° La pensée ne résoud aucune énigme du Monde ;
4° La pensée n'apporte pas immédiatement de forces pour l'action.