Recherches philosophiques

Ludwig Wittgenstein
Philosophische Untersuchungen, 1953
Traduit de l'allemand par Françoise Dastur, Maurice Élie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Élisabeth Rigal
NRF, Gallimard, 2004

Forme dialoguée. Plus de questions, et d'expériences, que de réponses ou de conclusions. Un peu lent, et cyclique. Déroutant, parce que ne progressant pas clairement.

I

§47, p. 52

Mais que sont les parties constituantes simples dont se compose la réalité ? — Quelles sont les parties constituantes simples d'un fauteuil ? — Les pièces de bois à partir desquelles on l'a fabriqué ? Ou les molécules ou bien les atomes ?

§58, p.60

En vérité nous voulons seulement interpréter « Le rouge existe » comme l'énoncé : Le mot « rouge » a une signification. Ou peut-être plus justement : « Le rouge n'existe pas » comme « "Rouge" n'a pas de signification ». à ceci près que nous ne voulons pas dire que cette expression dit cela, mais qu'elle devrait le dire si elle avait un sens ; en d'autres termes, elle se contredit elle-même en essayant de le dire — et cela, parce que le rouge n'est pas « en soi et pour soi ». Mais la seule contradiction qu'il y ait là tient à ce que la phrase a l'air de parler de couleur, alors qu'elle doit dire quelque chose de l'emploi du mot « rouge ».

§121, p. 86

On pourrait penser que, si la philosophie parle de l'emploi du mot « philosophie », il doit y avoir une philosophie du deuxième ordre. Mais il n'en est pas ainsi.

§150, p. 99

La grammaire du mot « savoir » est à l'évidence indissociablement apparentée à la grammaire du mot « pouvoir », « être capable de », mais aussi à celle du mot « comprendre ». (« Maîtriser » une technique).

§241, p. 135

« Dis-tu donc que l'accord entre les hommes décide du vrai et du faux ? » — C'est ce que les hommes disent qui est vrai et faux : et c'est dans le langage que les hommes s'accordent. Cet accord n'est pas un consensus d'opinion mais de forme de vie.

§292, p. 150

Cesse de toujours croire que tu lis ce que tu dis à partir des faits ; que tu reproduis les faits en mots d'après des règles !

§294, note p. 343

Il n'est pas vrai que je vois (sic) devant moi des impressions et qu'elles soient des objets primaires.

§304, p. 153

Le paradoxe ne disparaît que lorsque nous rompons radicalement avec l'idée que le langage fonctionne toujours d'une seule façon, et qu'il est toujours au service du même but : transmettre des pensées.

§305, note p. 343

Il s'agit de nier [...] l'idée que l'impression serait « à l'arrière-plan de l'expression ».

§307, p. 153

Si je parle d'une fiction, c'est d'une fiction grammaticale.

Note p. 343

La fiction est que, pour que les mots aient une signification [...], ils doivent faire allusion à un quelque chose que je peux montrer, sinon aux autres, du moins à moi-même.

§352, p. 165

« La séquence 7777 apparaît ou n'apparaît pas dans le développement infini de π — il n'y a pas de troisième possibilité. » C'est-à-dire : Dieu le voit, mais nous ne le savons pas. Que cela signifie-t-il ? — Nous employons une image, l'image d'une suite visible dont l'un a une vue synoptique, mais non les autres.

§422, pp. 183-184

Qu'est-ce que je crois quand je crois que les hommes ont une âme ? Qu'est-ce que je crois quand je crois que cette substance contient deux anneaux d'atomes de carbone ? Dans les deux cas, une image est au premier plan, mais le sens est loin à l'arrière-plan. Ce qui veut dire qu'il n'est pas facile d'avoir une vue synoptique de l'application de l'image.

§693, pp.242-243

La grammaire du verbe « meinen » diffère de celle du verbe « denken ». Et rien n'est plus aberrant que de nommer le « Meinen » une activité de l'esprit ! [...] (On pourrait aussi parler d'une activité du beurre lorsque son prix augmente).

II

iv, p. 253

Imagine que je dise d'un ami : « Il n'est pas un automate. »
— Quelle information cela donnerait-il, et pour qui en serait-ce une ?

p. 254

Le corps humain est la meilleure image de l'âme humaine.

v, p. 256

Le processus de notre jeu de langage repose [...] toujours sur une présupposition tacite. [...]

Le doute a un terme.
Il en va de même de la relation entre objet physique et impression des sens. Nous avons là affaire à deux jeux de langage qui entretiennent entre eux des relations complexes. — Si l'on veut réduire ces relations à une formule simple, on se trompe.

x, p.270

« Au fond, par les mots "Je crois...", je décris mon propre état d'esprit — mais ici, la description est une manière indirecte d'affirmer l'état de choses que l'on croit. » — Tout comme dans certaines circonstances, je décris une photographie pour décrire ce dont elle est une prise de vue.

xi, pp. 283-284

« Tu peux [...] penser tantôt à ceci tantôt à cela, le regarder tantôt comme ceci tantôt comme cela, et alors tu le verras tantôt ainsi tantôt autrement. » — Comment donc ? Car il n'y a pas d'autre détermination.
Mais comment est-il possible que l'on voie une chose selon une interprétation ?

p. 291

Les enfants jouent à ce jeu-là. Ils disent, par exemple, d'une caisse qu'elle est maintenant une maison. Et à partir de ce moment-là, ils l'interprètent vraiment comme une maison.

p. 311

La vache mâche du fourrage, et sa bouse sert ensuite d'engrais à la rose, donc la rose a des dents dans la gueule d'un animal.

xiii, p. 322

Pourrait-on imaginer cette situation : Quelqu'un a un souvenir pour la première fois de sa vie, et il dit : « Oui, maintenant je sais ce que c'est que "se souvenir", je sais ce que cela fait de se souvenir. »

Philo ToC
Marc Girod