Raison et révolution

Hegel et la naissance de la théorie sociale
Herbert Marcuse, Reason and Revolution, 1954 (2e édition ; 1e : 1941 ; écrit en 1939)
Le sens commun
Les Éditions de Minuit, 1968

Présentation de Robert Castel

IV
p. 21
Plutôt que d'un échec du marxisme, on parlerait plus justement d'un échec de la raison dans l'histoire puisque la distance qui demeure entre les fins posées par Marx et l'organisation de fait de la société actuelle mesure exactement la marge de conflits non résorbés qui subsistent dans la réalité elle-même.

Première partie. Les fondements de la philosophie hégélienne

Introduction

I. Le cadre socio-historique

p. 53
Les idéalistes allemands voient dans la révolution de 89, non seulement l'abolition de l'absolutisme féodal remplacé par le système économique et politique de la bourgeoisie, mais l'accomplissement de la tâche commencée en Allemagne par la Réforme : l'émancipation de l'individu dépendant de lui seul et maître de son destin.

2. vers le système de philosophie (1800-1809)

1. Premiers écrits philosophiques

p. 91
Le bon sens prend l'apparence contingente des choses pour leur essence, et croit faussement à une identité immédiate de l'essence et de l'existence.

p. 92

Le premier critère de la Raison est donc la défiance envers l'autorité des faits.

3. le premier système (1802-1806)

I. La Logique

p. 108
L'idéalisme kantien admet l'existence de « choses en soi » séparées des « phénomènes », et met ces « choses » hors de la portée de l'esprit humain, par conséquent il les soustrait à la Raison. La philosophie kantienne creuse entre la pensée et l'être, ou entre le sujet et l'objet, un abîme que Hegel entend tout au contraire franchir.

2. La Philosophie de l'esprit

p. 118
L'histoire de l'homme ne commence pas par une lutte de l'individu contre la nature, car l'individu est un produit tardif de l'histoire humaine.

p. 121-122

Dans le procès du travail, l'objet particulier s'universalise : il devient une marchandise.

p. 122-123

La mécanisation, le moyen par excellence de délivrer l'homme du labeur, en fait l'esclave de son travail : « Plus il soumet la nature, plus il est dégradé lui-même. »

p. 128

La volonté générale est non pas l'origine mais le fruit de l'État.

p. 134

[...] le système hégélien [...] est une étude du processus par lequel « l'individu devient universel » et par lequel a lieu « la construction de l'universel ».

4. La phénoménologie de l'esprit (1807)

p. 135
La Phénoménologie de l'esprit a été écrite en 1806 à Iéna tandis que les armées napoléoniennes s'approchent de la ville.

p. 162

[...] penser consiste à savoir que le monde objectif est en réalité un monde subjectif, qu'il est l'objectivation du sujet.

5. La science de la logique (1812-1816)

pp. 172-173
L'universel premier et indéterminé que pose Hegel est l'être. Commun à toutes choses (toutes les choses ont l'être), l'être est par conséquent l'entité la plus universelle qui soit. Il n'a aucune détermination quelconque ; il est être pur et rien d'autre.
[...] toute chose est mais l'être n'est pas quelque chose. Et ce qui n'est pas quelque chose n'est rien. [...]
En cherchant à saisir l'être, nous rencontrons le néant. [...] chaque être déterminé contient à la fois l'être et le non-être.

p. 182

« La finitude n'existe que comme dépassement d'elle-même. »

p. 183

Être-pour-soi n'est pas un état mais un processus.

p. 193

[...] l'essence devient fondement ou raison d'être (Grund) de l'existence : en devenant le fondement des choses, l'essence passe dans l'existence.
[être en-soi de Sartre ?]

p. 194

Hegel décrit ce processus d'actualisation comme passage à la « réalité effective » [Wirklichkeit].
[...]
Un examen attentif de la réalité effective révèle en effet qu'elle est premièrement contingence (Zufälligkeit) ; ce qui est n'est pas nécessairement ce qu'il est ; il pourrait tout aussi bien exister sous une autre forme.

pp. 197-198

L'interprétation dialectique de l'actualisation plénière abolit l'opposition classique entre contingence, possibilité et nécessité en les intégrant toutes trois comme des moments d'un seul et même processus compréhensif. La nécessité présuppose une réalité contingente, c'est-à-dire une réalité détenant dans sa forme présente des possibilités non réalisées. La nécessité n'est donc que le processus dans lequel cette réalité contingente parvient à sa forme adéquate ; c'est le processus d'actualisation (Prozess der Wirklichkeit).

p. 201

Pour le sens commun, la pensée devient d'autant plus irréelle qu'elle s'abstrait davantage de la réalité. Pour Hegel, c'est le contraire qui est vrai [...] le monde des faits n'est pas rationnel mais doit être amené à la raison [...]

6. la philosophie politique (1816-1821)

Note 40, p. 235
Le Système de Iéna et la Phénoménologie ont traité la propriété comme une relation entre les êtres humains ; la Philosophie du droit la traite comme une relation entre le sujet et les choses.

p. 236

« La personne existe comme Raison seulement dans la propriété » [Philosophie du droit].

p. 237

Le droit est « ce qui demeure indifférent à la particularité. »

Deuxième partie. La naissance de la théorie sociale

Introduction. De la philosophie à la théorie sociale

p. 298
Hegel a été le dernier à interpréter le monde comme Raison en soumettant á la fois la nature et l'histoire aux normes de la pensée et de la liberté.

p. 300

La réalisation de la Raison signifie [...] la disparition de toute autorité extérieure impliquant une contradiction entre l'existence de l'homme et les exigences de la pensée libre.
L'universel est aussi réel que le particulier, il existe seulement sous une forme différente, en tant que force, dynamis, potentialité.

I. Les fondements de la théorie dialectique de la société

4. Marx : le travail aliéné

p. 319
Ces économistes [Marx cite Adam Smith et J.-B. Say dans les Manuscripts de 1844] avaient démontré que la pauvreté n'est pas la conséquence de circonstances extérieures défavorables, mais dépend du mode de production dominant lui-même.

p. 322

Le capital représente le pouvoir de disposer des produits du travail. Plus le travailleur produit, et plus s'accroît le pouvoir du capital ; et les moyens pour le travailleur de s'approprier ce qu'il a lui-même produit diminuent d'autant.

pp. 325-326

La production capitaliste de marchandises a pour conséquence mystificatrice de transformer les rapports sociaux entre individus en « qualités des choses elles-mêmes (la marchandise), et davantage encore, de transformer les rapports de production en une chose (l'argent) ». [Le Capital]

pp. 327-328

Dès que l'on sonde ce mode de production et qu'on en analyse l'origine, on constate que son objectivité naturelle n'est que pure apparence et qu'il constitue en réalité une forme d'existence historique et spécifique que les hommes se sont donnée à eux-mêmes.

5. L'abolition du travail

pp. 337-338
[...] pour Marx, cette négation de l'individu est le produit historique d'une société scindée en classes, et elle tient, non pas à l'État, mais à l'organisation du travail.

6. L'analyse du procès du travail

p. 350
En outre, le besoin social apparaissant sur le marché n'est pas identique au besoin réel, mais uniquement à la « fraction solvable du besoin social ».

2. Les fondements du positivisme et l'avènement de la sociologie

3. La philosophie positive de la société  Auguste Comte

p. 389
L'expression « philosophie positive » est en dernière analyse une contradiction dans les termes.

Philo
Marc Girod