Philosophie, évolution, éthologie, et écologie politique. L'interprétation de la philosophie de Spinoza, peut-être fondée sur les travaux de Gilles Deleuze, propose un modèle de la conscience qui conjugue raison et passions, au lieu de les opposer. Cela n'autoriserait-il pas à envisager une politique fondée sur la délibération et non sur le conflit ?
L'aigrette ardoisée africaine (Egretta ardesiaca) subvertit de nous jours l'usage de ses longues plumes : cette dernière s'est installée dans un nouveau milieu où les eaux sont boueuses, parfois à cause des activités humaines. En arrondissant ses ailes lorsqu'elle est à l'affût, en une ombrelle parfaite sous laquelle elle regarde, elle fait une ombre circulaire sur la surface de l'eau, ce qui attire les poissons à la recherche d'un nénuphar pour se cacher des oiseaux.
Au Paléozoïque, vers la fin du Dévonien, il y a trois cent soixante-quinze millions d'années environ, lors de la terrestrialisation, les tétrapodes qui sont nos ancêtres sont sortis de l'eau pour explorer la terre ferme.
Les poulpes et les pieuvres se sont séparés de nous il y a six cent millions d'années, et pourtant ils ont développé des formes cognitives extraordinaires sur des supports neuronaux et cérébraux d'un tout autre type que le nôtre.
Tous les verbes du rapport moral à soi sont de l'ordre du matage, du contrôle, du bridage, de la coercion contre un indocile, un farouche [...]J'entends par “morale du cocher” cette carte de la vie intérieure où une Raison doit contrôler d'une main de maître les passions et les désirs, qui sont ainsi assimilés à des bêtes irrationnelles, incapables de se conduire seules [...]
Pour Spinoza les passions sont des animaux sauvages autonomes en nous, qu'il faut influencer, orienter, amadouer.
La loi cartésienne de proportion inverse entre agir et pâtir fait de l'individu un champ de bataille, où se confrontent systématiquement un opprimé et un oppresseur, un muselé et un dominateur. Toute psychomachie implique ainsi une psychée en proie à une belliqueuse schizophrénie. Elle oscille nécessairement entre souffrance et frustration — quand le désir est dominé par la raison ; culpabilité et haine de soi — quand la raison est submergée par les passions. [...]Spinoza lui substitue une loi de proportion simple [...] formulée ainsi : “Si quelque chose augmente ou diminue, favorise ou empêche la puissance d'agir de notre corps, l'idée de cette chose augmente ou diminue, favorise ou empêche la puissance de penser de notre âme.”
La phrase de Carl Schmitt, qui définit l'essence du politique comme l'acte de distinguer entre amis et ennemis, connaît un retour en grâce aujourd'hui parce qu'elle permet de vivifier l'idée que la politique n'est pas cantonnée aux formes consensuelles de la délibération et de la négociation. [...]p. 271L'enjeu intellectuel et politique réel est comment articuler ensemble de manière organisée, avec des cibles appropriées, la négociation et la lutte.
Le jeu des alliés avec qui négocier et des ennemis à combattre ne se fait plus à la lumière des camps, mais à la lumière des interdépendances qui fondent la vie d'un milieu.p. 272
Armer le point de vue des interdépendances ne revient pas à une empathie consensuelle et pacificatrice envers tout le monde indistinctement, mais à une autre manière de faire émerger les amis et les ennemis. [...]Le camp était l'unité politique stable, de qui exigeait l'identification empathique fermée.