« une politique d’austérité, dogmatique, qui aggrave la crise et la misère ; un pouvoir exécutif qui fait adopter des mesures de destruction du modèle social à coups de 48-2 ; une gauche sociale-démocrate qui soutient cette politique afin, dit-elle, d’éviter le pire ; un régime politique qui (…) se présidentialise et concentre des pouvoirs exorbitants dans les mains faillibles d’un homme pas exagérément intelligent, mais orgueilleux et buté ; le règne des entourages qui, par une logique de darwinisme inversé, celle de la courtisanerie, promeut les plus incompétents et les moins dignes, ceux qui sont prêts à s’avilir pour devenir des « conseillers » et donner dès lors à peu près tout autre chose que de réels conseils ; une dissolution ratée ; une seconde dissolution, dangereuse, inepte, vu le contexte de croissance de l’extrême droite, mais demandée par cette même extrême droite, et accordée en gage de bonne volonté ; une défaite cuisante aux législatives ; le refus de tenir compte des résultats des élections ; la condamnation des « extrêmes » et la précision, immédiate, que certains sont plus extrêmes que d’autres, que ceux qui défendent la nation, les valeurs et la propriété seront toujours préférables à la gauche ; un milliardaire, magnat des médias et habité par une mission de résurrection nationale, qui bâtit un empire de presse et de cinéma pour imposer ses cadrages, ses thèmes et sa ligne à un pays qui plébiscitait la paix et la justice sociale (…); des paniques morales en -isme comme le « bolchevisme culturel », que l’on est bien en peine de définir, mais qui résume toutes les peurs liées à l’évolution des mœurs (féminisme, homosexualité, mode de vie urbain…) et à l’élévation générale du niveau d’éducation ; un gouvernement renversé dans des conditions humiliantes ; une autre dissolution, une autre défaite et, derechef, le refus de tenir compte du résultat ; un gouvernement chargé des affaires courantes qui s’éternise ; (…) l’incapacité du président à nommer un nouveau chef du gouvernement ; des mois de réflexion, au sommet de l’État, pour échafauder le meilleur scénario qui permette de rester au pouvoir, malgré les élections et en l’absence de majorité ; une politique de l’offre, ouvertement pro-business, faite de subventions aux entreprises et de crédits d’impôt ; des discours auto-justificateurs qui défendent cette ligne en clamant « nous ne sommes pas le gouvernement des riches » et « la meilleure politique sociale, c’est la politique de l’emploi » ; un patronat qui applaudit et qui en réclame toujours plus ; des projets de réforme de la Constitution dans le sens d’un renforcement du pouvoir exécutif ; des intrigues de couloir permanentes ; un commentariat qui bavasse sur l’humeur du président, son dernier rhume ou l’ultime grommellement en date (éternuement ? fulgurance politique ? décision majeure ?) en quête d’oracle et d’interprétation ; des libéraux autoritaires qui, au pouvoir, envisagent le recours à la force, car ils savent bien que leur politique est impopulaire ; ces mêmes libéraux autoritaires qui souhaitent faire alliance avec l’extrême droite, qui reculent car elle en veut trop, et font finalement le pari de lui confier le pouvoir… »Vous l'avez deviné c'est de l'Allemagne en 1933 qu'il s'agit.