Un conférencier fait halluciner Aurore Stéphant concernant le numérique

Hugues Ferreboeuf, directeur de projet au Shift Project, 17 mai 2025
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Il faut à peu près 80 métaux différents pour faire un smartphone. Un smartphone de 150 g requiert à peu près qu'on extraie 150 kg de matière.
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On vend à peu près 1 milliard 500 millions de smartphones par an dans le monde.
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Ce smartphone on le garde en moyenne 2 ans.
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Et il contribue largement à épuiser un certain nombre de ressources effectivement métalliques et il contribue aussi à tirer sur nos capacités à produire de l'énergie notamment l'énergie propre puisque celle-ci est en quantité limitée, ne serait-ce que pour produire l'électricité propre, il faut avoir des équipements qui sont capables de la produire et pour ça il faut avoir produit les équipements qui ...et cetera.
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En fait pour produire un smartphone en 2022 en moyenne, il va falloir plus d'énergie que pour le produire en 2021. Donc on a une double croissance, on a une croissance des volumes, on a une croissance de l'intensité énergétique de l'équipement lorsqu'on le produit.
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Puis manque de chance tous les ans, on a de nouvelles idées, de nouveaux équipements numériques. L'internet des objets. On a quasiment la capacité de rendre communiquant n'importe quel objet dont la fonction primaire n'est pas de communiquer. Ce qui veut dire que on change d'ordre de grandeur et au lieu de parler d'un milliard et demi de smartphones qu'on va vendre tous les ans, on va parler de 10 à 20 milliards de modules numériques qu'on aura dû produire pour rendre communiquants ces objets nativement non communiquants comme une brosse à dents par exemple, ou comme les miroirs, ou les poêles à frire.
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Malheureusement on n'est pas capable de récupérer en sortie ce que l'on a consommé en entrée. En substance l'économie circulaire ça marche très mal pour le numérique.
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Le numérique représente entre 3 et 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et représente entre 2 et 3 % des émissions de gaz à effet de serre en France parce que l'électricité en France est moins carbonée, donc pour la phase d'usage : d'accord. Le taux de progression est de l'ordre de 5 à 6 % par an ce qui n'a pas l'air énorme comme ça, mais ce qui veut quand même dire qu'au bout de 10 ou 11 ans, on a doublé et donc dans un contexte où au contraire en 10 ou 11 ans, on doit diviser par deux les émissions, c'est problématique.
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Quand on regarde la façon dont sont formées les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du numérique, on a à peu près 40 à 45 % de ces émissions qui viennent de la phase de production des équipements. Or pour cette phase là, il y a un certain nombre d'industries qui vont pas évoluer au rythme du numérique. Et donc la décarbonation d'une partie de l'énergie utilisée dans la phase de production va être plus lente que dans d'autres secteurs.
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Le numérique consomme, je vais me concentrer sur la phase d'usage pour simplifier, à peu près 10 % de l'électricité produite dans le monde. C'est à peu près la même chose en France. L'augmentation de la consommation électrique du numérique est de l'ordre de 6 à 7 % par an.
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Un certain nombre de grands acteurs du numérique expliquent qu'ils ont résolu le problème puisqu'ils vont remplacer en fait l'électricité fortement carbonée qu'ils consomment par de l'électricité décarbonée. Je crois que je l'ai entendu. Je sais pas si ça existe mais apparemment ils en ont trouvé.
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Ça semble très bien, sauf que la consommation de ces grands acteurs, n'augmente pas de 5 à 6 % par an, elle augmente de entre 25 et 40 % par an. Au même rythme que leur chiffre d'affaires à peu près et que leur capitalisation boursière.
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S'ils font ce qu'ils disent, ils auront résolu à peu près dans 10 ans leurs problèmes. C'est-à-dire qu'ils auront divisé par 10 leurs émissions grâce à cette substitution d'électricité très carbonée par l'électricité peu carbonée.
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Mais au passage, ils vont préempter une proportion importante de la capacité de production d'électricité peu carbonée. Et donc là, on va avoir assez rapidement un conflit d'usage se mettre en place puisque concrètement si Google et Microsoft s'accaparent un certain nombre d'équipements permettant de produire à très grande échelle de l'électricité sous forme peu carbonée, il en restera moins pour les autres. Ce n'est pas parce qu'on résout l'optimum local qu'on résout l'optimum global.
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La troisième contrainte, c'est la contrainte en métaux. C'est-à-dire que plus on produit d'équipements, plus on a besoin de métaux et donc là aussi, on va avoir un conflit d'usage, puisque s'il se trouve qu'un certain nombre de métaux indispensables aujourd'hui pour faire des équipements numériques sont aussi indispensables pour faire des équipements permettant de produire de l'électricité peu carbonée.
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Donc comme il est assez probable par exemple qu'on n'arrivera pas à multiplier par 21 les capacités d'extraction du lithium, on risque d'avoir un conflit d'usage entre faire des équipements numériques et faire des équipements permettant de produire de l'électricité peu carbonée.
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L'utilisation du numérique est extrêmement hétérogène selon les endroits du monde et selon les types de population. Pour juste donner un exemple, aujourd'hui aux États-Unis, et je vais compter les centenaires et les bébés de 6 mois, il y a à peu près 13 équipements numériques par personne. La moyenne mondiale, c'est deux et dans les pays peu développés qui ont accès à internet, c'est 1,2. Il faut une déjà se demander si on a besoin de 13 équipements par personne. D'autant que quand on regarde les prévisions des analystes du secteur, on aboutit au fait que dans 10 ans, on n'en sera plus à 13, on en sera à 35.
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Avant de parler de sobriété, il faut arrêter le n'importe quoi.
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Comme il y a pas de boucle de retour naturelle, il faut en créer une, et ça passe effectivement par de la gouvernance. Pour le grand public, et bien ça passe par des lois et des réglementations qui vont inciter à des usages plus sobres.

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