Corse : jacobins, ne tuez pas la paix !

par Michel Rocard
Lorsque Louis XV acheta les droits de suzeraineté sur la Corse à la
République de Gênes, il fallut une guerre pour prendre possession de
notre nouveau domaine. La France y perdit plus d'hommes que pendant la
guerre d'Algérie.

Pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce que l'on
n'a jamais osé faire sur le continent, jusqu'aux pères de six enfants.

De ce fait, encore en 1919, il n'y avait pratiquement en Corse presque
plus d'hommes valides pour reprendre les exploitations agricoles. Les
tout jeunes n'ont pas eu le temps de recevoir la transmission du
savoir-faire. C'est ainsi qu'ils sont devenus postiers ou douaniers.

C'est donc à ce moment que la Corse devient une économie assistée, ce
qu'elle n'était pas auparavant. L'apparition de la « paresse corse »
dans les blagues, les chansons et le folklore date de là. On n'en
trouve pas trace avant.

Beaucoup d'agriculteurs corses traditionnels n'ont pas de titre de
propriété leur permettent d'obtenir du crédit.

À la fin des années 50, le gouvernement créa la Société de mise en
valeur de la Corse, Somivac. Elle avait charge de racheter des terres
disponibles, en déshérence ou non, de les remembrer, d'y tracer voies
et chemins, d'y amener l'irrigation dans certains cas, puis de les
revendre à des paysans corses. Les quatre cents premiers lots furent
prêts à la vente au tout début de 1962. De Paris vint l'ordre d'en
réserver 90 % pour les pieds-noirs rentrant d'Algérie.

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Marc Girod