Ahmed Djebbar
Entretiens avec Jean Rosmoduc
Éditions du Seuil, Points Science, 2001
Famille du prophète, p. 31
J'ai dit précédemment que le Moyen-Orient avait inventé l'écriture ; il a aussi inventé ou réinventé l'État centralisé.
On peut évoquer les cas du grand poète persan Umar al-Khayyam. Dans ses fameux quatrains, il chante, en persan, le vin, la beauté et le temps qui passe. Mais il rédige ses ouvrages scientifiques en arabe, en particulier son fameux livre d'algèbre.
Al-Ghazzali s'interroge sur le bien-fondé de l'exercice des sciences rationnelles. Il dit : « En elles, il y a des parties indifférentes, des parties utiles et des parties nuisibles. Par exemple, les mathématiques ne sont pas nuisibles, elles sont même utiles puisqu'elles facilitent le calcul des héritages. » Cela étant, il précise qu'elles comportent quand même des aspects nuisibles parce que, dans leur dimension théorique, elles sont fondées sur le raisonnement, lequel dérive du syllogisme, lequel est l'instrument de la philosophie. Or, cette dernière est une discipline qui mène au relativisme. [...] on prend l'habitude de croire que des syllogismes corrects conduisent à la vérité [...] ce qui peut conduire à l'athéisme.
Tableau des sciences arabes, p. 67
On ne va pas demander un avis circonstancié à un militaire, ni à un chef politique. On va le demander à un mufti. Son jugement sera alors une fatwa.
Le seconde phase, qui commence avec l'avènement du pouvoir seljoukide en 1055, est caractérisée par l'institution de collèges supérieurs, qui porteront le nom de madrasa.
[Le royaume d'al-Mu'taman] était protégé efficacement contre les chrétiens de Castille par une armée de mercenaires, également chrétiens, dirigés par le fameux Rodrigo Diaz (m. 1099), plus connu sous le nom d'as-Sayyid [le Maître], titre honorifique que lui avait donné le roi de Saragosse et qui est devenu plus tard « El Cid El Campeador ».
[Les traités indiens] contenaient les premiers outils trigonométriques, telle la notion de sinus (les astronomes arabes la préféreront à la notion de corde utilisée par les Grecs).
Méthodologie de la science grecque, p. 244
Sa physique est essentiellement qualitative. Les formulations scientifiques ne sont pas mathématiques : pas de formules, pas d'équation chez Aristote. Cela change partiellement à partir d'Archimède.
L'interprétation du Sagirite a rapidement soulevé des interrogations. [...] Aristote conjecture que l'air « conserve » en quelque sorte le mouvement amorcé [jusqu'à ce que] ce mouvement soit vaincu par la pesanteur. Le premier opposant [connu] est un philosophe et physicien alexandrin, Jean Philopon (VIe siècle). Il suppose que le lanceur communique au projectile un « élan ».Cela a-t-il un rapport avec la théorie de l'« impetus » énoncée par Jean Buridan au XIVe siècle ? p. 256[... Ibn Sina] introduit la notion d'« inclination » (mayl).
Buridan reprend exactement l'interprétation d'Ibn Sina.
Al-Masudi (IXe siècle), les Ikhwan as-Safa (Xe siècle), Ibn Sina (XIe siècle), al-Qazwini (m. 1283), Ibn Khaldun.
Depuis Hippocrate, les médecins pensent que le fonctionnement [de l'ensemble] est assuré par quatre « humeurs » : le flegme (ou lymphe), le sang, la bile jaune, la bile noire (ou atrabile). Ces quatre humeurs correspondent aux quatre éléments définis par la philosophie grecque (au moins depuis Empédocle) : la terre, l'eau, l'air et le feu.