Critique de la raison dialectique

(précédé de Question de méthode)
Tome I
Théorie des ensembles pratiques
Jean-Paul Sartre
NRF Librairie Gallimard, 1960

Dans le prolongement de la théorie marxiste de l'histoire, avec pour objectif de résoudre le paradoxe selon lequel ce sont les hommes qui font leur histoire, et pourtant l'histoire est une superstructure. Quel est le statut ontologique du groupe, à la fois tenu à bout de bras par les hommes qui le constituent et élément pratico-inerte de la situation.

Une réflexion théorique (Question de méthode, suivie de tentatives d'application pratique à l'analyse de l'histoire, avec une conscience aiguë de la circularité (critique dialectique de la raison dialectique).
En dehors du développement vers l'histoire, dans le deuxième tome, il y a clairement un développement vers l'individu, appelant L'Idiot de la famille.

Question de méthode

I Marxisme et existentialisme

p. 17

Ceux mêmes qui se croient les porte-parole les plus fidèles de leurs prédécesseurs, malgré leur bon vouloir, transforment les pensées qu'ils veulent simplement répéter.

p. 27

Jamais, chez Marx, on ne trouve d'entités : les totalités (par exemple « la petite bourgeoisie » dans « le 18 Brumaire ») sont vivantes ; elles se définissent par elles-mêmes dans le cadre de la recherche [1. Le concept de « petite bourgeoisie », bien sûr, existe dans la philosophie marxiste bien avant l'étude dur le coup d'État de Louis-Napoléon. Mais c'est que la petite bourgeoisie elle-même existe en tant que classe depuis longtemps. Ce qui compte, c'est qu'elle évolue avec l'histoire et qu'elle présente en 1848 des caractères singuliers que le concept ne peut tirer de lui-même.]

p. 29

Le marxisme est tout jeune encore, presque en enfance : c'est à peine s'il a commencé de se développer. Il reste donc la philosophie de notre temps : il est indépassable parce que les circonstances qui l'ont engendré ne sont pas encore dépassées.

p. 32

La proposition de Marx me parait d'une évidence indépassable tant que les transformations des rapports sociaux et les progrès de la technique n'auront pas délivré l'homme du joug de la rareté.

p. 39

Les conséquences de nos actes finissent toujours par nous échapper, puisque toute entreprise concertée, dès qu'elle est réalisée, entre en relation avec l'univers entier et puisque cette multiplicité infinie de rapports dépasse notre entendement.
p.40
Le formalisme marxiste est une entreprise d'élimination. La méthode s'identifie à la Terreur par son refus inflexible de différencier, son but est l'assimilation totale au prix du moindre effort. Il ne s'agit pas de réaliser l'intégration du divers en tant que tel, en lui gardant son autonomie relative, mais de le supprimer.

p. 42 (note)
[Henri] Lefebvre propose « une méthode très simple utilisant des techniques auxiliaires et comportant plusieurs moments :
a) Descriptif. — Observation mais avec un regard informé par l'expérience et par une théorie générale...
b) Analytico-régressif. — Analyse de la réalité. Effort pour la dater exactement...
c) Historico-génétique... — Effort pour retrouver le présent mais élucidé, compris, expliqué. »

III La méthode progressive-régressive

pp. 94-95

Flaubert détestait le réalisme et l'a répété toute sa vie [...] ; pourquoi le public a-t-il décidé d'emblée que c'était Flaubert le réaliste et pourquoi a-t-il aimé en lui ce réalisme-là, c'est-à-dire cette admirable confession truquée, ce lyrisme masqué, cette métaphysique sous-entendue [...] ? [...] Par le succès que lui fait son époque, Flaubert se voit voler son oeuvre, il ne la reconnait plus, elle lui est étrangère [...] Mais en même temps son oeuvre éclaire l'époque d'un jour neuf ; elle permet de poser une question neuve à l'Histoire : quelle pouvait donc être cette époque pour qu'elle réclamât ce livre et pour qu'elle y retrouvât mensongèrement sa propre image. Ici nous sommes au véritable moment de l'action historique ou de ce que j'appellerai volontiers le malentendu.

pp. 96-97

Pour saisir le sens d'une conduite humaine, il faut disposer de ce que les psychiatres et les historiens allemands ont nommé « compréhension ». [...] cette connaissance est simplement le mouvement dialectique qui explique l'acte par sa signification terminale à partir de ses conditions de départ. Elle est originellement progressive. Je comprends le geste d'un camarade qui se dirige vers la fenêtre à partir de la situation matérielle où nous sommes tous deux : c'est par exemple qu'il fait trop chaud [...] Cette action n'est pas inscrite dans la température, elle n'est pas « déclenchée » par la chaleur comme par un « stimulus » provoquant des réactions en chaîne : il s'agit d'une conduite synthétique qui unifie sous mes yeux le champ pratique où nous sommes en s'unifiant elle-même [...]
Le mouvement de la compréhension est simultanément progressif (vers le résultat objectif) et régressif (je remonte vers la condition originelle). Au reste c'est l'acte lui-même qui définira la chaleur comme intolérable.

Critique de la raison dialectique

Introduction

A. Dialectique dogmatique et dialectique critique

II, p. 120

Et, si l'on dit que cette Raison dialectique ne peut être critiquée (au sens où Kant a pris le terme) que par la Raison dialectique elle-même, nous répondrons que cela est vrai mais qu'il faut justement la laisser se fonder et se développer comme libre critique d'elle-même en même temps que comme mouvement de l'Histoire et de la connaissance.

VIII, p. 126

Le matérialisme en soi ne s'oppose pas à l'idéalisme. Bien au contraire : il y a un idéalisme matérialiste qui n'est au fond qu'un discours sur l'idée de matière.

IX, p. 134

Le marxisme, c'est l'Histoire elle-même prenant conscience de soi.

B. Critique de l'expérience critique

3º p. 138

Notre action présente donne à ces objets pratiques, machines, ustensiles, objets de pure consommation, etc., l'apparence de totalités en ressuscitant la praxis qui a tenté de totaliser leur inertie. Ces totalités inertes ont une importance capitale et elles créent entre les hommes ce type de relation que nous nommerons le pratico-inerte. Ces objets humains valent d'être étudiés dans le monde humain : c'est là qu'ils reçoivent leur statut pratico-inerte, c'est-à-dire qu'ils pèsent sur notre destin par la contradiction qui oppose en eux la praxis (le travail qui les a faits et le travail qui les utilise) et l'inertie.
Ainsi la totalisation a le même statut que la totalité [...]. Mais c'est un acte en cours [...]

p. 143

Nous devons saisir le groupe quand il se constitue sur la dissolution du collectif.

10º p. 152

Si l'Histoire est totalisation et si les pratiques individuelles sont l'unique fondement de la temporalisation totalisatrice, il ne suffit pas de retrouver en chacun [...] la totalisation en cours, à travers les contradictions qui la masquent et la révèlent ensemble. Il faut que notre expérience nous révèle comment la multiplicité pratique [...] réalise, dans sa dispersion même, son intériorisation.
p. 154
Nous découvrirons une équivalence de la praxis aliénée et de l'inertie travaillée et nous nommerons pratico-inerte le domaine de cette équivalence.

Livre I

De la « praxis » individuelle au pratico-inerte

A - De la « praxis » individuelle comme totalisation, p. 165

La découverte capitale de l'expérience dialectique, [...] c'est que l'homme est « médié » par les choses dans la mesure même où les choses sont « médiées » par l'homme.

p. 166

Le besoin est négation de négation dans la mesure où il se dénonce comme un manque à l'intérieur de l'organisme, il est positivité dans la mesure où par lui la totalité organique tend à se conserver comme telle.

B. Des relations humaines comme médiation entre les différents secteurs de la matérialité, p. 180

Si nous ne distinguons pas le projet —comme dépassement— des circonstances comme conditions, il n'y a plus que des objets inertes et l'Histoire s'évanouit.

C. De la matière comme totalité totalisée et d'une première expérience de la nécessité

1 - Rareté et mode de production, p. 201

Toute l'aventure humaine —au moins jusqu'ici— est une lutte acharnée contre la rareté.

pp. 206-207

Pour chacun, l'homme existe en tant qu'homme inhumain, ou si l'on préfère, comme espèce étrangère. [...] la simple existence de chacun est définie par la rareté comme risque constant de non-existence pour un autre et pour tous.
[...] l'inhumanité de l'homme ne vient pas de sa nature [mais] tant que le règne de la rareté n'aura pas pris fin, il y aura dans chaque homme et dans tous une structure inerte d'inhumanité.
À qui fera-t-on croire que l'espèce carnivore qui dresse par centaines de milliers les bêtes pour les tuer ou pour utiliser leur force de travail et qui détruit systématiquement les autres (soit par hygiène, soit pour se protéger, soit, tout à fait gratuitement, par jeu), à qui fera-t-on croire que cette espèce de proie a mis — sinon pour les bêtes châtrées, domestiquées, et par suite d'un symbolisme simpliste — ses valeurs et sa définition réelle d'elle-même dans ses rapports avec les animaux ?

p. 210
Paysans chinois et nomades aux frontières à l'époque des T'ang.

2 - La matière ouvrée comme objectivation aliénée de la « praxis » individuelle et collective, pp. 226-227

Ce qui nous intéresse [...] c'est de comprendre comment un fait positif — comme l'utilisation à grande échelle du charbon — peut devenir dans une société au travail [...] la source de divisions plus tranchées, plus violentes entre les membres de cette société [...]

p. 232
Grousset : déboisement des montagnes chinoises (Sseu-t'chouan).

p. 233

Si quelque ennemi de l'homme avait voulu persécuter les travailleurs de la Grande Chine, il aurait chargé des troupes mercenaires de déboiser systématiquement les montagnes.

p. 236

Fernand Braudel : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II.

p. 240

Il est toujours vrai ici et pour tel marchand, quelles que soient les circonstances et le mouvement des prix, qu'il sera plus riche ce soir s'il reçoit mille ducats de plus ; mais il est faux dans l'ensemble du processus qu'une collectivité s'enrichisse par l'accumulation des signes monétaires.

p. 244 (note 1)

Une des mystifications de la plus-value, c'est qu'on substitue le temps mort des heures-travail au temps concret et humain du travail réel.
p. 249
Tous les avatars de la monnaie espagnole sont des transformations et des retournements de l'activité humaine : partout où nous rencontrons une action de l'or qui bouleverse les rapports humains, et qui n'a été voulue par aucun homme, nous découvrons, par en dessous, un pullulement d'entreprises humaines qui visaient des fins individuelles ou collectives et qui se sont métamorphosées par la médiation de la chose.

p. 254

Et, bien sûr, il est facile de répondre que la matière inerte qu'est la machine ne peut rien exiger du tout : seulement. dans la mesure où, comme je l'ai dit, nous n'avons jamais affaire qu'à de la matière ouvrée et socialisée, l'argument ne vaut plus rien [...]

p. 256

Ainsi, la praxis même de l'individu (ou du goupe) est altérée en ce qu'elle n'est plus la libre organisation du champ pratique mais la réorganisation d'un secteur de matérialité inerte en fonction des exigences d'un autre secteur de matérialité.

L'intérêt, p. 273

Les ouvriers n'ont pas d'intérêts particuliers (en tant qu'individus soumis aux forces de massification) et [...] leur union, si elle a lieu, est indissociablement liée à la constitution de l'intérêt général [...] en intérêt de classe.

p. 274

Nous sommes [...] dans le domaine du pratico-inerte puisque c'est la machine qui exige certains matériaux (et que conditionne à travers cela l'amélioration, par exemple, des moyens de communication) et puisque c'est elle encore qui exige certains débouchés.

p. 277

Il faut choisir en effet : ou « chacun suit son intérêt », ce qui signifie que la division des hommes est naturelle — ou bien c'est la division des hommes, comme résultat du mode de production, qui fait apparaître l'intérêt (particulier ou général, d'individu ou de classe) comme un moment réel des relations entre les hommes.

3 - De la nécessité comme structure nouvelle de l'expérience dialectique, p. 279

4 - De l'être social comme matérialité et, particulièrement de l'être de classe, p. 286

p. 291

Elle réalise par elle-même ce qu'elle est déjà ; elle porte contre elle-même la sentence déjà portée qui lui refuse la libre maternité.
[...] Nous disions, en suivant Hegel, dans L'Être et le Néant, que l'essence est l'être passé, dépassé.

p. 292

L'avenir à réaliser est déjà fabriqué comme inertie mécanique dans la manière dont l'être passé se fait dépasser.

D. Les collectifs, p. 306

pp. 310-311
Les usagers de l'autobus de 7 h. 49. L'interchangeabilité. Leur être-dehors est une simple identité désignant l'usager comme généralité abstraite par une praxis définie (faire signe, monter, aller s'asseoir, donner ses tickets).

p. 336

Certains, conscients de la contradiction, vont-ils désormais accepter l'assignat et payer en numéraire ? Ici intervient la récurrence ; cet acte ne peut servir ni de propagande, ni d'exemple ; c'est à peine s'il aura des témoins : le seul résultat sera la ruine du patriote, s'il est négociant ; s'il est producteur, il se sauvera sans doute mais contribuera (dans une mesure d'ailleurs insignifiante) à maintenir le bi-monétarisme qui ruine la Révolution.

p. 340

Les nouvelles sont rares, lentes à parvenir, impatiemment attendues : elles atteignent les villes mais se diffusent mal et obscurément dans les campagnes.

p. 341

Il s'agissait avant tout d'une union synthétique de toutes les altérités chez l'Autre absolu.

p. 368

Viscosité de classe.

p. 369

Qu'on n'aille pas nous faire dire, surtout, que l'homme est libre dans toutes les situations, comme le prétendaient les stoïciens. Nous voulons dire exactement le contraire ; à savoir que les hommes sont tous esclaves en tant que leur expérience vitale se déroule dans le champ pratico-inerte et dans la mesure expresse où ce champ est conditionné par la rareté.

Livre II

Du groupe à l'histoire

A. Du groupe. L'équivalence de la liberté comme nécessité et de la nécessité comme liberté. Limites et portée de toute dialectique réaliste, p. 381

Il va de soi que tout serait plus facile dans une dialectique transcendantale et idéaliste : on verrait le mouvement d'intégration par lequel chaque organisme contient et domine ses pluralités inorganiques se transformer de lui-même, au niveau de la pluralité sociale, en intégration des individus à une totalité organique. Ainsi, par rapport aux organismes singuliers, le groupe fonctionnerait comme un hyperorganisme.
p. 386
Chaque électeur a, bien entendu, déterminé son vote en tant qu'Autre et par les Autres ; mais au lieu de le déterminer en commun et comme praxis en unité avec les Autres, il le laisse définir inertement et en sérialité par l'opinion.

p. 389

Chacun est déterminé à s'armer par l'effort des Autres pour trouver des armes et chacun tâche d'arriver avant les Autres puisque dans le cadre de la rareté nouvellement apparue, l'effort de chacun pour prendre un fusil devient un danger pour l'Autre de rester désarmé.

p. 397

Le vrai problème d'intelligibilité structurelle, c'est donc celui-ci : à quelles conditions une série peut-elle actualiser sur la base de circonstances données une structure d'unité pratique qui, bien que la déterminant réellement en tant que signification matérielle, doit lui échapper par principe [...] ? Il ne suffit pas que l'unité soit possible : il faut que les instruments pour l'arracher à la récurrence soient donnés dans le collectif lui-même.
p. 410
Au Palais-Royal, en 89, le premier qui s'est fait entendre, en telle ou telle journée historique, c'est peut-être celui qui se trouvait près d'un banc ou d'une chaise et qui a pu s'élever au-dessus des Autres [...] dans le groupe mais s'en dégageant pour le totaliser et, par là-même, instaurant un rapport dialectique avec la foule, puis repris par elle et réintégré par les discours d'un autre orateur surgi un peu plus loin. À ce niveau le chef n'existe pas encore. Ou si on veut, la foule en situation produit et dissout en elle ses propres chefs provisoires, les tiers régulateurs.
p. 413
Il s'agit seulement de montrer le fondement (dialectique et non historique) de tous les groupes [...]

pp. 439-440

Le serment est réciprocité médiée [...] invention pratique. [...] cette invention est l'affirmation par le tiers de la permanence du groupe comme négation de sa négation extérieure. Et la négation extérieure ne doit pas se confondre avec le danger d'extermination par l'ennemi mais seulement par la possibilité que les tâches entraînent la réapparition de la multiplicité d'altérité ou d'extériorité.

p. 448

La Terreur. Le groupe, en l'absence de toute pression matérielle, doit se produire lui-même comme pression sur ses membres.

p. 454

Le traître n'est pas retranché du groupe.

p. 460

Le mot « organisation » désigne en même temps l'action intérieure par laquelle un groupe définit ses structures et le groupe lui-même comme activité structurée s'exerçant dans le champ pratique, sur la matière ouvrée ou sur d'autres groupes.

p. 464

Dès que le contenu positif de la fonction est défini, la distinction [entre droit et devoir] s'abolit.

p. 476

La liberté, comme praxis commune, a d'abord inventé le lien de socialité sous la forme du serment ; à présent, elle invente les formes concrètes de la relation humaine. Chaque fonction comme rapport de moi à tel Autre ou à tous les Autres se définit négativement comme limite réciproque de compétences et positivement comme l'action qui requiert et permet mon action.

p. 496

Dans une structure, chaque élément est, non pas une étape intermédiaire dans la constitution du tout, mais l'expression particulière de la totalité qui se réfléchit immédiatement et totalement en elle.

pp. 497-498

Le groupe apparaît comme totalisation en cours (ou à faire) non comme totalité déjà faite [...] Cependant il est objet ; cela veut dire que son ustensilité est modifiable par le travail.

p. 508

L'historien est le produit d'un groupe, ses instruments, ses techniques et ses pouvoirs, aussi bien que son savoir, le définissent comme membre d'une communauté de recherche.

p. 510

Il arrive fréquemment qu'un individu conçoive un but commun, découvre par là une communauté à faire et tente de constituer un groupe parce qu'il saisit en même temps sa propre incapacité de réaliser son entreprise à lui seul.

a. L'être-un du groupe lui vient du dehors par les autres. Et sous cette première forme l'être-un existe comme autre, p. 553

b. Dans l'intériorité du groupe, le mouvement de la réciprocité médiée constitue l'être-un de la communauté pratique comme une détotalisation perpétuelle engendrée par le mouvement totalisant, p. 562

L'être-dans-le-groupe n'est plus, pour chacun, médié là-bas par l'Autre mais ici par le même.

p. 566

Être-dans-le-groupe, en intériorité, cela se manifeste par un double échec consenti : c'est ne pas pouvoir en sortir et ne pas pouvoir s'y intégrer.

pp. 567-568

Le fondement de la terreur [...] c'est précisément le fait que le groupe n'a pas ni ne peut avoir le statut ontologique qu'il réclame dans sa praxis et c'est inversement, le fait que tous et chacun se produisent et se définissent à partir de cette inexistante totalité.
[Cumming, p. 475]

p. 624, Note 1

Un système électoral quel qu'il soit, constitue l'ensemble des électeurs comme matière passive de l'extéro-conditionnement ; et les listes élues ne représentent pas plus la volonté du pays que les listes des disques achetés ne représentent le goût des clients.

c. De l'expérience dialectique comme totalisation : le niveau du concret, le lieu de l'histoire, p. 632

p. 654

Ainsi l'action concrète et locale, dans le groupe, unit l'objectif particulier — cette revendication — et l'objectif global (la mobilisation de la classe ouvrière). Mais la liaison se produit directement dans les groupes en fusion ou de serment : elle est liaison ontologique dépassée en liaison pratique [...] Il ne peut pas même concevoir qu'une action directe et violente puisse trahir les intérêts de la classe ouvrière : si elle est faisable, c'est qu'il faut (exigence de classe) la faire.

p. 683

Le processus engage surexploiteurs et sous-prolétariat indigène dans un mouvement antidialectique qui constitue pour chacun et pour chaque collectif l'avenir comme inéluctable destin.

Note 1, p. 685

L'employé se laisse frapper en tant qu'il est un Autre : insulté ou battu par un musulman, c'est comme un individu singulier qu'il réagirait. Mais les coups du colonisé [sic], il les ressent en tant que d'autres hommes de sa religion sont frappés comme lui à la même minute ; en tant que ces vexations par-delà sa personne s'adressent au colonisé, personnage aussi peu réalisable que le colon lui-même. Ainsi à travers les deux individus l'Autre a rapport avec l'Autre.

Note 1, p. 708

Citation de Tocqueville, sur l'écrasement de la révolution de février 1848.

p. 712

Le seul lien possible entre les patrons et les ouvriers, c'est le contrat de travail qui doit être respecté de part et d'autre mais qui est, en lui-même, la négation radicale des relations humaines.

p. 714

Le patron, après 1848, se trouve l'étrange produit historique de massacres dont il est collectivement responsable sans les avoirs commis. [...] une sorte de surgissement commun l'a produit dans l'irréversibilité comme membre actif d'un groupe de tueurs. Or, les tueurs ont existé mais non le groupe [...]. Il saisit donc son historicité comme une différenciation brusque qui l'aurait produit et différencié à partir d'une unité synthétique parfaitement illusoire.

p. 722

Ainsi comprend-on en bourgeois tel tableau ou tel livre. [...] Le résultat n'est jamais la communication : il n'y a rien à communiquer puisque la compréhension est en chacun identique.

p. 731

Nous trouverons peut-être quelque chose comme un sens à l'évolution des sociétés et des hommes si nous envisageons que les rapports réciproques des groupes, des classes et, d'une manière générale, de toutes les formations sociales sont fondamentalement pratiques c'est-à-dire se réalisent à travers des actions réciproques d'entraide, d'alliance, de guerre, d'oppression, etc. [...] Mais si l'on devait réduire les relations des multiplicités pratiques à de simples déterminations contradictoires [...] on aboutirait à réduire l'homme au pur moment antidialectique du pratico-inerte.

Note 1, p. 743

La Raison dialectique établit que l'élévation d'une norme de travail pour et par certains est élévation pour tous.

Tome II - L'intelligibilité de l'histoire, Sciences of the Artificial (Herbert Simon), Philo ToC
Marc Girod
Last modified: Wed Dec 7 16:18:28 EET 2005